Nom: Graham Frederick Young
Alias: L'homme au poison
Date de naissance: 7 septembre 1947
Classification: Spree killer
Caractéristiques: Empoisonneur
Nombre de victimes: 3
Date des meurtres: 1962 / 1971
Date d'arrestation: ?
Méthode de meurtre: Intoxication
Lieu: Royaume-Uni
Statut: Condamné à la prison à perpétuité en 1972. Décédé le 1er août 1990.

I        LES   DÉBUTS



Trois sujets obsédaient le jeune Graham Young : le nazisme,
les poisons et la mort. Lorsque les membres de sa famille
tombèrent gravement malades les uns après les autres, il fit
preuve d'un étrange détachement.

 
     Tout le monde, dans l'entourage de Chris Williams, était intrigué par la maladie dont souffrait ce garçon de treize ans. Il se plaignait de douleurs dans la poitrine et dans les jambes et de terribles maux de tête. Ces douleurs progressaient, atteignaient un paroxysme, s'apaisaient, puis reprenaient quelques jours plus tard. Le médecin de la famille examina Chris plusieurs fois au cours de l'année 1961, sans parvenir à comprendre l'origine de ces maux. Il décida d'envoyer le malade à l'hôpital, où un jeune interne le déclara atteint de migraines, graves maux de tête parfois accompagnés de nausées. Mais les violentes douleurs de Chris ne cessèrent pas et sa mère s'inquiétait.
     Les accès duraient depuis un an. L'un d'entre eux avait été particulièrement sévère au printemps, un samedi où Chris avait été au zoo de Londres avec un camarade de classe, Graham Young.

   Chris Williams à vingt-trois ans (ci-contre), dix ans après que Graham Young eut essayé de l'empoisonner. A l'école, l'intérêt qu'ils portaient à la chimie avaient rapproché les deux garçons, ainsi que Clive Creager, un camarade. Mais Williams s'était lié d'amitié avec un autre élève, Terry Hands. Graham Young lui en voulut tellement qu'il le força à se battre avec lui. Williams eut facilement le dessus et Young lui administra du poison pour se venger de cette humiliation.

     Ce que Mrs. Williams ne savait pas, c'est que des symptômes tout à fait semblables à ceux de son fils touchaient divers membres de la famille de ce camarade, un garçon de treize ans à l'air absent et gauche qui s'exprimait de façon étrangement cérémonieuse.
     Molly, la belle-mère de Graham Young, âgée de
trente-huit ans, commença à souffrir de l'estomac en 1961. Elle y accorda peu d'importance.
     Son mari, Fred Young, était un ingénieur de quarante-quatre ans. Il avait perdu sa première femme peu de temps après la naissance de Graham et l'état de Molly l'inquiétait. Lorsqu'il se mit lui-même à souffrir de crampes, il s'interrogea : son fils ne se servirait-il pas des casseroles de cuisine pour faire ses expériences de chimie? Fred Young n'avait jamais été très proche de son fils. L'intérêt que l'enfant portait au nazisme, aux poisons et à la magie noire le dérangeait. Il avait cependant toujours encouragé le goût du jeune garçon pour la chimie.
     Cet été-là, Winifred, la sœur de Graham, tomba malade à son tour. La famille toute entière sembla bientôt succomber au même mal, car Graham lui-même se mit à vomir lors d'une visite chez sa tante Winnie.
     Celle-ci s'inquiéta. Elle aimait beaucoup son neveu, qu'elle avait en partie élevé, mais se demanda si le jeune garçon, avec sa "chimie", n'était pas à l'origine de toutes les maladies qui frappaient la famille.
     Un matin de novembre 1961, au petit déjeuner, Winifred Young trouva un goût âcre au thé que sa belle-mère avait préparé. Elle en but cependant une tasse et partit travailler. Pendant le trajet en métro, elle s'effondra. Des passagers l'aidèrent à descendre à la station de Tottenham Court Road, non loin de son lieu de travail, et une collègue l'accompagna à l'hôpital.



     A la surprise du médecin, des analyses révélèrent qu'elle avait pris de la belladone, poison mortel extrait d'une plante de la famille des solanacées.
     Il n'en fallut pas plus à Winifred : " Je ne serais pas étonnée que nous devions tout cela aux expériences de Graham ", dit-elle à son père. Ce dernier fouilla la maison tandis que Graham sanglotait dans sa chambre. Aucune trace de poison ne fut découverte et Winifred s'excusa, gênée d'avoir accusé son frère à tort.
     Au cours des semaines suivantes, l'état de Molly Young empira. Elle sembla prendre dix ans d'un coup. Elle perdit beaucoup de poids. Le 21 avril 1962, Molly Young se sentit plus faible que jamais. A ses douleurs habituelles s'ajoutaient une raideur du cou et des picotements dans les mains et les pieds.
     Lorsque, à l'heure du déjeuner, Fred Young rentra chez lui, il trouva Graham dans la cuisine, qui regardait fixement par la fenêtre. Il suivit la direction de son regard et aperçut sa femme se tordre de douleur sur la pelouse, en proie à des convulsions. A l'hôpital de Willesden, les médecins n'eurent pas le temps de formuler un diagnostic: Molly Young mourut dans l'après-midi.


     Après la mort de leur mère, Graham Young et sa sœur Winifred ( ci-dessus, à droite ) furent confiés temporairement à leur tante Winnie ( à gauche ).

     La famille était trop hébétée par la douleur pour avoir les idées claires. Graham vanta les avantages de la crémation sur l'enterrement, décrivant du ton pédant qui lui était habituel les techniques les plus récentes. Son père se laissa convaincre. La cérémonie eut lieu au crématorium de Golders Green le jeudi suivant.
     Peu après, Fred Young annonça à Winifred et à Graham qu'il avait remboursé les emprunts contractés pour acheter la maison ; ils en hériteraient donc à sa mort. Quelques jours plus tard, il fut repris de douleurs d'estomac et de maux de tête.
     Une fois de plus, les médecins de l'hôpital
de Willesden ne purent découvrir aucun désordre organique. Ils décidèrent de mettre le malade en observation. Tous les jours, Graham examinait froidement son père, puis prédisait sans se tromper les symptômes qu'il présenterait le lendemain.
     Fred Young put rentrer chez lui, mais fut très vite de retour à l'hôpital. Cette fois, les spécialistes arrivèrent à un diagnostic qui les laissa perplexes : il s'agissait d'un empoison-
nement au thallium. Fred Young avait frôlé la mort.

Ayant réussi à tuer sa belle-mère,
Graham s'en prit à son père (ci-contre).
Par bonheur, les médecins décelèrent à
temps la présence de thallium dans
l'organisme de ce dernier.


     Graham, interrogé par sa tante, nia avec indignation avoir donné du poison à son père. Il parla de la maladie de ce dernier à l'école, où son intérêt obsessionnel pour les poisons inquiétait depuis longtemps son professeur de sciences, Geoffrey Hughes.
     Un soir, celui-ci résolut de fouiller le pupitre de Graham. Il y découvrit, horrifié, des bouteilles de poison, des dessins représentant des hommes mourant dans de terribles douleurs et des notes prises par le jeune garçon à propos de poisons et de meurtres. Le professeur prévint aussitôt le
directeur de l'école. Ils mirent un médecin dans la confidence, et discutèrent avec lui des maladies dont souffraient les membres de la famille Young. Il fallait faire examiner le garçon.
     Le 20 mai, un psychiatre, se faisant passer pour un conseiller d'orientation, eut un entretien avec Graham Young. Il encouragea le garçon à parler de sa passion, faisant mine d'admirer ses connaissances. Le jeune garçon rentra chez lui ravi. De son côté, le psychiatre alerta la police.
     L'inspecteur Edward Crabbe, de la brigade criminelle de Harlesden, se présenta chez les Young le lendemain 21 mai. Graham était à l'école.

   Dans la chambre qu'il occupait dans la maison de ses parents, à Londres, au 768 North Circular Road, Graham avait caché assez de poison pour tuer trois cents personnes.

     L'inspecteur fouilla sa chambre : il y trouva suffisamment de poison pour tuer trois cents personnes, ainsi qu'un certain nombre de livres parmi lesquels un Guide des poisons, Soixantes procès célèbres et Les empoisonneurs sur la sellette. Lorsque le jeune garçon rentra de l'école, l'inspecteur lui demanda de retirer sa chemise. Une fiole d'antimoine et deux petits flacons tombèrent par terre. Graham parla de l'antimoine comme de " son cher ami " mais mentit à propos des flacons, prétendant qu'il ne savait pas ce qu'il contenait. Il s'agissait de thallium.
     Emmené au commissariat de police de Harlesden, Graham Young subit un long
interrogatoire. Il nia obstinément avoir empoisonné sa famille. Ce soir-là, sa tante Winnie lui rendit visite. " Oh Graham, pourquoi as-tu fait ça ? "demanda-t-elle. Son neveu, pâle,l'air effrayé, garda le silence jusqu'au départ de sa tante. Le lendemain matin, 22 mai, il passait aux aveux.
     Il fut emmené au centre de détention préventive, où il subit de nombreux tests. Il se dévoila surtout au cours des entretiens qu'il eut avec les médecins. " Mon antimoine me manque ", dit-il à l'un d'eux, " je regrette le pouvoir qu'il me donne. "
     Le 6 juillet 1962, Graham Young plaida coupable aux assises de Londres : il avait administré du poison à son père, à sa sœur et à son camarade de Chris Williams.
     Le juge Melford Stevenson ordonna que le coupable fût envoyé à Broadmoor, un hôpital psychiatrique où étaient internés les criminels reconnus déments. Il devait y être détenu pendant quinze ans au moins et ne devait être libéré que sur ordre du ministre de l'Intérieur.

L'ENFANCE

Passionné par les poisons, fasciné par le nazisme et la magie
noire, Graham Young était un enfant "dérangeant".
La perte précoce de sa mère ne suffit pas à
expliquer pourquoi il devint un monstre
au cœur froid, obsédé par la mort.

 
" Pudding " à huit ans :
un enfant calme qui
aimait les activités
scolaires telles que la
lecture ou la construction
de maquettes.


     Graham Frederick Young naquit le 7 sep-
tembre 1947. Sa mère mourut de tuberculose
lorsqu'il avait trois mois. Les répercussions sur le développement affectif de l'enfant furent sans doute considérables malgré les soins dont il fut entouré.
     Graham fut confié à sa tante paternelle. Avec son mari, Jack Jouvenat, la tante Winnie éleva l'enfant dans la confortable maison qu'ils occupaient à Londres. Graham était très attaché aux Jouvenat, ainsi qu'à leur fille Sandra. C'était un petit garçon rondouillard, au visage couvert de taches de rousseur, qu'on surnommait Pudding.
     Le père de Graham, Fred Young, monteur
de son métier, se remaria le 1er avril 1950 avec Molly, une jolie jeune femme qui jouait de l'accordéon dans un pub du quartier. Peu de temps après le mariage, la famille Young se trouva réunie à nouveau.
     A cinq ans, Graham entra à l'école primaire. C'était un enfant gauche et solitaire. Ses relations avec son père n'étaient pas faciles, mais il semblait bien aimer sa belle-mère et sa sœur Winifred. Il était très attaché à "Citron", le canari de la famille. A l'âge de neuf ans, il fut pris d'une véritable fascination pour les produits chimiques de toutes natures - jusqu'au vernis à ongle de Molly.
     Graham passa sans difficulté l'examen qui couronne les études primaires en Angleterre. En récompense, son père lui offrit une panoplie de chimiste. Il fut inscrit dans l'établis-
sement d'études secondaires John Kelly à Willesden. Dans un premier temps, il se mêla aux autres élèves, mais peu à peu, il se désintéressa de tout ce qui ne touchait pas à la chimie.

Passion   morbide
 
Graham entra à l'école primaire Braintcroft ( ci-contre ), à Neasden, à l'âge de cinq ans.
     Dès onze ans, Graham emprunta à la bibliothèque de son école des livres de médecine et des ouvrages sur les poisons. Une fois, Molly trouva une bouteille d'acide cachée dans sa veste. Il conservait aussi de l'éther qu'il aimait respirer. Interrogé, il déclara avoir récupéré les deux produits dans la poubelle d'un pharmacien.
     L'enfant dévorait les ouvrages sur Adolf Hitler et le mouvement nazi et arborait volontiers la croix
gammée. " Nous ne prenions pas cette passion très au sérieux ", devait écrire sa sœur Winifred dans L'empoisonneur (Obsessive Poisoner, 1973). " Nous pensions simplement qu'il était un peu dingue. "

 
     Tout l'argent de poche de Graham passait dans l'achat de poisons qu'il se procurait chez un pharmacien de quartier, Geoffrey Reis. Il prétendait avoir dix-sept ans, âge légal pour l'achat de tels produits en Angleterre. En avril 1961, il se procura vingt-cinq grains d'antimoine - suffisamment pour tuer plusieurs personnes. " L'étendue de ses connaissances me convainquit qu'il était plus âgé qu'il ne le semblait ", devait dire Reis.

Soif   de   pouvoir
 
     Plus tard, Graham changea de pharmacien et signa le registre des toxiques du nom de " M.E. Evans ". Il prit l'habitude d'apporter un flacon d'antimoine à l'école. " Cela lui donnait un sentiment de sécurité ", raconta un de ses camarades, Clive Creager. " Il était dangereux. On sentait le mal qu'il portait en lui, il me faisait peur. "
     Le désir de détenir un pouvoir secret incita l'adolescent à lire des ouvrages de magie noire et à faire diverses expériences. Sa belle-mère trouva un jour dans sa veste une statuette piquée d'épingles, symbole d'intentions malignes envers quelqu'un.
     Ses proches se souviennent tous des dessins sinistres de Graham. " Il me représentait pendu à un gibet, au-dessus d'une cuve d'acide, lui-même approchant une flamme de la corde ", raconta Creager. " Il aimait dessiner des pendus avec des seringues portant l'inscription "poison" plantées dans tout le corps. "
     En 1961, Young était devenu un expert en poisons : il en connaissait les effets et en gardait des flacons dans son pupitre à l'école. Il avait collectionné des ouvrages sur les poisons et sur les crimes qu'il lisait et relisait avidement. " Graham était complètement obsédé ", dit Creager. " Il ne menait pas la vie d'un écolier normal, il ne s'interessait à rien d'autre qu'aux poisons. "

 
II      DÉTENTION

Considéré comme une menace sérieuse pour la société,
Young fut enfermé à l'hôpital-prison de Broadmoor.
Il ne fut pas délivré de ses obsessions pour autant -
le café des infirmières se trouva additionné
de désinfectant pour W.C. et un détenu mourut
dans d'horribles convulsions, empoisonné au
cyanure. Son père déclara aux autorités
que Graham ne devrait " jamais être relaché ".

A l'âge où la plupart des garçons allaient encore à l'école, Graham (ci-contre) était enfermé dans un établissement beaucoup plus sinistre - Broadmoor (ce-dessus). Il s'y isola et se livra à ses obsessions, le nazisme et les poisons. Il passa son temps à fabriquer des croix gammées en bois et à étudier des traités de médecine.
     A Broadmoor, Graham Young hérita d'une petite chambre dans le bâtiment d'accueil. Les murs de brique rouge de la sévère bâtisse victorienne isol-
aient les sept cent cinquante détenus des habitants des villages environnants du Berkshire.
     La chambre de Graham, dont les fenêtres étaient garnies de barreaux et le lit scellé au sol, était nue, à l'exception d'un petit tapis. L'adolescent, alors âgé de quatorze ans, était réveillé chaque matin à 7 heures. Jusqu'à l'extinction des lumières, à 20 h, il travaillait avec les autres détenus à la fabrication de tapis. Les détenus pouvaient lire et jouer à certains jeux, le billard par exemple.
     Graham Young comptait parmi les plus jeunes
détenus envoyés à Broadmoor au XXè siècle, et son histoire se répandit dans tout l'hôpital. Sa famille eut à cœur de ne pas l'abandonner.
     Fred Young, tentant de surmonter sa répulsion et sa colère, alla voir Graham, mais les visites se déroulaient dans un morne silence. Très vite, il se détourna d'un fils qui avait causé la mort de sa femme, et lui avait infligé une douloureuse maladie du foie.
    
     Winifred et la tante Winnie se rendaient cependant régulièrement à Broadmoor, ainsi que Frank Walter, un des oncles de Graham. Graham Young demandait toujours à son oncle de lui apporter des allumettes - Frank Walter le fit jusqu'au jour où il apprit que le phosphore qu'elles contenaient pouvait tenir lieu de poison.
     Graham Young ne parlait plus désormais que pour évoquer les poisons ou le nazisme. A Broadmoor, des professeurs donnaient des cours, mais ceux-ci n'étaient pas obligatoires. La direction de l'hôpital chercha un tueur qui saurait distraire l'esprit du jeune meurtrier de ses obsessions.
     Toutes les personnes contactées se récusèrent.

     Le 6 août 1962, un mois après l'arrivée de Graham Young, un prisonnier du nom de John Berridge fut pris de convulsions. Il mourut en quelques heures. L'autopsie révéla qu'il avait été empoisonné au cyanure. Lors de l'enquête menée dans l'établissement, aucun produit contenant ce poison ne fut découvert. Cependant
des buissons de laurier-cerise, dont il pouvait être extrait, poussaient le long du bâtiment.
     Plusieurs prisonniers déclarèrent avoir tué Berridge. Il n'est pas rare que des individus souffrant de troubles mentaux avouent des crimes qu'ils n'ont pas commis. La direction, après avoir examiné ces déclarations, resta sceptique et le cas demeura pendant.
     Mais parmi les détenus et le personnel infirmier, certains trouvaient les aveux de Graham Young très convaincants. Celui-ci expliquait en termes doctes comment obtenir du cyanure à partir des feuilles du laurier-cerise.

 



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